Depuis plusieurs mois, on lit de plus en plus d’articles sur les alternatives éthiques et écologiques pour vos alliances ou votre bague de fiançailles. Enfin !! On commence (un peu) à informer les consommateurs sur l’impact social et environnemental de la joaillerie ! Mais comme toujours, rien n’est jamais tout noir ou tout blanc (enfin, tout vert). Qu’y a-t-il exactement derrière tel ou tel label ou certification ? Que signifient-ils vraiment en termes de droits humains ou d’impact écologique ? On fait le point pour vous permettre de choisir vos alliances éco-responsables en connaissance de cause.
L’or, l’incontournable de la joaillerie du mariage
L’or est le métal des alliances et des bagues de fiançailles par excellence, notamment car il est très stable dans le temps, étant peu sensible à l’oxydation et la corrosion.
Ce n’est maintenant plus un secret pour personne, ou presque : l’extraction de l’or est une catastrophe écologique et humaine. Pour vous donner une idée, la production d’une bague de 3g d’or (sachant qu’un alliance femme en moyenne est composée de 5g d’or) nécessite l’utilisation de 1500 litres d’eau, 10g de mercure et 100 g de cyanure (souvent déversés dans les cours d’eau) et génère 5 tonnes de déchets miniers.
Une comparaison très parlante nous est donnée par Margot Pavan, cofondatrice de la joaillerie éthique Or du Monde pour se représenter la quantité des déchets miniers liés à la quantité d’or extraite chaque année : toutes les 42 secondes, on génère l’équivalent en poids de la tour Eiffel en déchets miniers. Et plus de la moitié de l’or extrait dans le monde est utilisé dans l’orfèvrerie et la bijouterie.
Concernant les droits humains et les conditions de travail, le tableau n’est pas reluisant non plus. Esclavage, travail forcé, travail des enfants, exposition à des substances toxiques…. Et malheureusement, ces conditions se sont encore aggravées durant la pandémie de covid-19 (comme montré par Human Rights Watch).
Le label Fairmined
Créé en 2006 par l’Alliance for Responsible Mining, le label Fairmined est certainement le plus sérieux. Ce label atteste la provenance de l’or produit en coopérant avec des mines autonomes et artisanales et travaillant à petite échelle. Une attention toute particulière est donnée aux conditions de travail des hommes et femmes, à la rémunération des ouvriers et le travail des enfants y est interdit.
Ce label exclut de la certification les opérations minières dans les aires protégées et peut exclure de son champ de certification les opérations minières dans les écosystèmes critiques. Malheureusement, bien qu’il y ait une volonté de diminuer l’impact écologique de l’extraction de l’or, l’extraction de l’or labellisé Fairmined utilise encore massivement des substances nocives à l’environnement.
Notons cependant que des incitations sont proposées par le label Fairmined pour favoriser la transition des mines vers des pratiques moins polluantes.
« Bien que l’élimination de l’utilisation du mercure dans l’AMAPE Responsable soit un objectif important, la suppression totale et immédiate du mercure et du cyanure n’est pas une condition raisonnable pour l’Or FAIRMINED. En dépit des risques induits par l’utilisation de ces produits chimiques pour la santé humaine et l’environnement, éliminer totalement le mercure et le cyanure est inefficace du point de vue de la perspective de la récupération de l’or, et si cela était inclus dans le STANDARD en tant qu’exigence, 95% des mineurs artisanaux seraient exclus de l’opportunité de développement du FAIRMINED. »
Les alliances en or Fairmined Paulette à Bicyclette
Les diamants, le problème de la traçabilité
Tout comme l’extraction de l’or, l’extraction du diamant représente une catastrophe écologique tant elle contribue à détruire les milieux naturels et une honte en termes de respect des droits humains, sans compter l’implication du commerce de diamants dans le financement de conflits armés.
Le processus de Kimberley
Le processus de Kimberley est une entente entre les industriels et les gouvernements initiée en 2000 visant à créer une certification internationale garantissant l’absence de “diamants de conflits” (c’est-à-dire de diamants utilisés par des groupes rebelles pour financer leurs activités militaires) dans le commerce international.
Bien que la cause initiale soit noble, elle est somme tout assez limitée : rien sur les conditions de travail, le travail des enfants, la rémunération, l’esclavage ou les conséquences écologiques dans ce processus.
De plus, il est important de noter que 2 ONG, notamment l’ONG à l’initiative de ce processus, ont claqué la porte déclarant que le processus avait échoué à atteindre le but initial et que le processus de Kimberley ne peut pas garantir au consommateur que les diamant qu’il achète ne sont pas des diamants de conflits.
Pas sûr que la mention “Processus de Kimberley” soit un gage de grand chose …
Canada Mark
Le programme Canadamark est actuellement le seul programme à garantir une traçabilité du diamant, en ne proposant uniquement des diamants extraits dans leur mines partenaires du Canada et ayant suivi une série d’audits indépendants tout au long du processus, de l’extraction au diamant poli. Mais c’est au Canada…
Responsible Jewelry Council
Beaucoup de joailliers arborent ce label, mais c’est probablement le moins convaincant. Cette certification est à l’initiative, et est dirigée, par les industriels du secteur eux même (faut-il en dire plus ?).
Le RJC propose de “définir les pratiques éthiques, sociales, environnementales et respectueuses des droits de l’Homme que tous les membres certifiés du RJC doivent respecter”. Environ 1100 entreprises se situant à différentes étapes de la chaîne d’approvisionnement sont membres de ce programme. Dans les faits, une part infime des recommandations faites par le RJC concernent les problèmes environnementaux et, concernant les droits humains, le RJC a été épinglé plusieurs fois par Human Rights Watch compte-tenu des incohérences et du manque de transparence dans leur processus de certification.
« Notre recherche a également révélé que de nombreuses entreprises dépendent trop du Responsible Jewellery Council pour leur diligence raisonnable en matière de droits humains. Le RJC s’est positionné comme un chef de file des entreprises responsables dans l’industrie de la bijouterie, mais a des systèmes de gouvernance, de normes et de certification défectueux. Malgré ses lacunes, de nombreuses sociétés de joaillerie utilisent la certification RJC pour présenter leur or et leurs diamants comme «responsables». Ce n’est pas assez. »
Limiter l’extraction, la solution ?
Même si tous les exploitants y mettaient la meilleure volonté du monde, tout processus d’extraction minière entraîne de fait une pollution de l’eau, de l’air et des sols et détruit durablement l’habitat d’un grand nombre d’espèces. Sans compter l’utilisation massive d’eau, ressource rare dans un grand nombre de pays où les minerais sont extraits, ni les émissions de gaz à effet de serre émis lors du processus d’extraction. Il est donc préférable de choisir une alliance qui n’utilise pas d’or ou de pierres extraites du milieu naturel.
L’or recyclé
L’or recyclé apparaît comme la solution la plus vertueuse, surtout qu’on estime aujourd’hui que l’or déjà extrait suffit à couvrir les besoins de l’industrie joaillière pour les 50 prochaines années.
L’Alliance for Responsible Mining émet cependant quelques réserves concernant l’impact réel de l’utilisation d’or recyclé sur la capacité à diminuer le processus d’extraction. En effet, selon eux, l’or recyclé ne peut malheureusement pas être la solution à tous nos problèmes, notamment car l’or est majoritairement extrait pour générer de la valeur monétaire.
« L’utilisation d’or recyclé par l’industrie joaillière ne limitera aucunement l’extraction de l’or »
De plus, toujours selon l’ARM, on estime à 100 millions le nombre de personnes vivants de l’extraction de l’or dans le monde. L’extraction de l’or (répondant aux critères du label Fairmined) représente donc un facteur de développement non négligeable dans un certains nombre de pays en développement.
Enfin, du fait de la réglementation, l’or recyclé n’inclut pas forcément que de l’or très vertueux. En effet, l’or recyclé provient des particuliers (nos anciens bijoux), du matériel électronique recyclé, de l’or dentaire, mais aussi des déchets de fabrication. Ainsi, on peut retrouvé, dans l’or recyclé, de l’or qui sort de la mine mais dont les chutes pour la fabrication de bijoux en série ne sont pas utilisées. Ainsi, pour être réellement vertueux, la dénomination « or recyclé » devrait être réservé à l’or provenant uniquement de produit de consommation finale.
Personnellement, je pense qu’utiliser une ressource déjà produite est toujours moins impactant qu’une ressource extraite pour une production nouvelle, même si cela se fait dans dans des « conditions raisonnables » (sachant que les salaires jugés « décents » dans la plupart des pays restent ridiculement bas cela dit en passant…). Le fait que l’or soit extrait pour produire de la valeur et que des millions de personnes vivent de cela ne sont, à mon sens, pas des arguments pour ne pas lutter contre les exploitations minières et remettre en question ce système. Et, par ailleurs, luter pour une décroissance de la consommation de produits miniers ne s’oppose pas aux combats, tel que celui porté par l’ARM, pour améliorer autant que possible les conditions d’extractions.
Pour la partie symbolique, il est important d’apporter une précision concernant l’or recyclé. Vous avez peut-être de l’or de famille, ancienne gourmette, chevalière, etc, … que vous souhaitez utiliser pour fabriquer vos alliances. Sachez que, à part si l’objet initial est une bague, l’or de famille que vous apporterez à votre joaillier n’est pas celui qui sera utilisé pour fabriquer vos bijoux. En effet, l’or à recycler est envoyé au fondeur qui procède à la fonte d’or en quantité. Si vous apportez de l’or de famille à votre joaillier, il vous remettra un avoir correspondant au poids de votre or en fonction du prix actuel de l’or.
Les alliances en or recyclé de Claire West
Diamants anciens ou diamants de synthèse
Sur le même principe, il est possible de choisir une alliances ou une bague de fiançailles n’utilisant pas des diamants nouvellement extraits. Il existe des joailliers qui travaillent exclusivement des diamants anciens, de famille ou chinés, ce qui évite de nouvelles extractions. C’est le cas par exemple d’Héloïse et Abélard, qu’on adore !
Aussi, depuis quelques années, se développent des joailliers proposant des diamants de synthèse, produit en laboratoire. Offrant les même caractéristiques physico-chimique que les diamants naturels, les diamants de synthèse offrent une alternative a priori écologique aux diamants extraits en milieu naturel. Cependant, il parait raisonnable de s’interroger également sur l’empreinte carbone de la production d’un diamant en laboratoire.
En cherchant, on trouve un rapport ayant étudié la question. Selon cette étude, la production d’1 carrat de diamant naturel produit 160kg de CO2 contre 511 kg de CO2 pour d’1 carrat de diamant de synthèse. Ainsi la production de diamants naturels produirait 3 fois moins de gaz à effet serre que la production de diamants en laboratoire ! A noter cependant que cette étude a été publiée par la Diamond Producers Association (DPA) , une association regroupant les 7 plus gros producteurs de diamants au monde … (Ça me rappel vaguement une histoire, Monsanto, le glyphosate, toussa toussa). Je vous laisse juge de la confiance que vous accorderez aux résultats de cette étude ! Dans tous les cas, les diamants de laboratoire au moins ne sont pas produits au détriment des droits humains.
Les diamants de synthèse de la Maison Courbet
Photos : Thomas Bonnin | Aurélien Bretonnière | Lesley Photography | Matthieu Bondon
Alliances photo de couverture : 57 facettes